Entrevue : La couleur politique : «une donnée parmi tant d’autres»

11 août 2015
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Baie-Comeau – Quelques jours après le déclenchement de la 42e campagne électorale du Canada, Le Manic s’est entretenu avec le professeur de sciences politiques au Cégep de Baie-Comeau, Marcel Marsolais, afin de cerner les points importants de la prochaine campagne dans Manicouagan.

Propos recueillis par Vincent Larin

Selon vous, quels enjeux seront abordés lors de cette campagne?

Ce qui a déjà commencé à paraître dans les différentes instances des partis politiques et chez les candidats et candidates, et ce depuis déjà cinq élections, c’est l’assurance emploi. Il s’agit d’une préoccupation de plus en plus marquante pour la Côte-Nord et la Haute-Côte-Nord qui dénote un problème de fond, puisqu’on en parle depuis si longtemps. La Côte-Nord est beaucoup trop dépendante des industries forestière et minière qui sont extrêmement cycliques et dont les cycles de croissance sont de plus en plus courts en raison du contexte économique mondial. Malheureusement, je n’ai pas entendu de propositions pour modifier la structure économique de la Côte-Nord, par exemple en développant un secteur manufacturier qui permettrait d’avoir des emplois beaucoup plus stables.

En termes pratiques, la Côte-Nord est dans l’opposition à Ottawa depuis 22 ans. Cela peut-il nuire au développement de la région?

C’est une donnée parmi tant d’autres. Le fait d’être au pouvoir n’est pas si important en soi. Tout dépend du comté et de la région où vous vous trouvez. Ce n’est pas en arrivant au pouvoir que tout va se régler et ce n’est pas parce qu’un député appartient à tel ou tel parti que le comté connaîtra une soudaine expansion. C’est sûr que, peu importe la couleur politique du député en place s’il est actif, il peut se faire entendre à Ottawa. 

Vous attribueriez donc le succès d’une région au travail personnel du député plutôt qu’à sa couleur politique?

Être député, c’est un travail de fond puisque peu importe leur parti politique, ils ont le même travail soit de servir leur région. S‘il voit un projet se réaliser dans sa région, n’importe quel député va accepter qu’un ministre d’une autre couleur politique vienne couper le ruban puisque, ultimement, ce sont ses gens qui vont en profiter. Donc, les députés font au meilleur de leurs connaissances pour aider leur région, mais les connaissances viennent au moment où ils sont en place et il faut qu’ils sachent comment vendre un projet. Par exemple, le député de Manicouagan a beaucoup défendu la cause autochtone ces dernières années, il a donc développé une expertise dans ce domaine. C’est bien, mais maintenant, il y a d’autres domaines. 

Justement, par rapport à la cause autochtone, à quel point cette question peut-elle prendre de l’importance dans cette campagne?

Une importance majeure, puisqu’ils assurent maintenant la croissance démographique sur la Côte-Nord. Ce sont des gens qui contribuent et enrichissent la communauté, mais je dirais que les principaux éléments du dossier autochtone avancent parce que sur le plan national la cause avance, par exemple, avec l’enquête sur les femmes autochtones disparues qui est réclamé par de nombreux groupes et partis politiques.  

Depuis quelques années on voit la «ligne de parti» prendre de plus en plus d’importance. Les députés sont tenus de la suivre et de soutenir leur chef et une grande attention est donnée à ce dernier. Les candidats en région ont-ils encore assez de marge de manœuvre pour proposer leurs propres solutions?

Il y a deux choses qui se passent dans un parlement. D’abord, il y a la Chambre des communes où se déroule ce qu’on pourrait qualifier de « politique spectacle» et où, en effet, la ligne de parti joue pour beaucoup, car toutes les caméras sont tournées vers les politiciens. D’un autre côté, ce qui se fait plus dans l’ombre et dont on entend moins parler, c’est que les députés peuvent siéger dans les commissions parlementaires, dans des domaines où ils trouvent un intérêt : la voie maritime du Saint-Laurent, les affaires autochtones, les transports, etc. Ça devient un moyen de s’exprimer et d’exprimer les intérêts des citoyens de leur circonscription. C’est là où leur travail prend tout son sens et c’est très pratique pour faire avancer des dossiers.   

On pourrait croire que le comté de Manicouagan est un terreau fertile pour les conservateurs. Par exemple, le revenu moyen et le taux de propriété y sont plus élevés que dans l’ensemble de la province. Selon vous, qu’est-ce qui explique que les Nord-Côtiers élisent systématiquement des partis plus progressistes?

La plupart des régions ressources sont des milieux ouvriers qui n’ont pas nécessairement d’affinité avec le parti conservateur. Ils en ont beaucoup plus par contre avec les syndicats et les partis qui leur sont associés, soit le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois sur la scène fédérale et le Parti québécois au provincial. Ce sont des milieux qui souvent se méfient beaucoup de ceux qui représentent les milieux d’affaires. Il y a toujours une sorte de méfiance de la part des régions ressources.  

Photo : Le Manic

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