Quand on pleure un ami

Par Emy-Jane Déry 5:15 AM - 13 septembre 2023
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Claudette Perry Marcoux, le Dr Camille Marcoux et leurs quatre enfants. Photo Fondation Docteur Camille Marcoux

Dan Mauger était à l’extérieur pour ses études universitaires, lorsque l’accident d’hélicoptère est survenu. Il était dans la vingtaine. 

« J’étais dans l’autobus. Je l’ai appris à la radio », se souvient-il. 

Après ça ?

« Tout le monde savait que les choses ne seraient plus jamais les mêmes », résume-t-il, simplement.  

Dan Mauger est un cousin du Dr Camille Marcoux. Le premier habit que Camille Marcoux a utilisé pour partir aux études, c’était l’habit de noce du père de M. Mauger, de qui il était très proche.

Il parle de son cousin comme d’un homme qui aimait « son monde ».

« Ce n’était pas sa tante, ou un tel de tel village, c’était “son monde”, c’est comme ça qu’il disait », insiste-t-il. 

Cet amour sincère des gens, on lui rendait bien. Lorsque Camille Marcoux débarquait dans un village « c’était la fête », rien de moins. « On se l’arrachait, il fallait vraiment voir ça, c’était émouvant. Le petit gars de la place qui revient chez lui », raconte M. Mauger. 

Pour lui, Camille Marcoux était « un géant du quotidien ». Il pratiquait une médecine « de brousse » avec une détermination impressionnante. 

« Un soir de tempête de neige, partir en traîneau à chiens, parce que même la snowmobil ne fera pas l’affaire, pour aller opérer un enfant mourant, sur une table, avec un fanal, et sauver cet enfant », décrit M. Mauger. « La seule peur qu’il connaissait, je crois que c’était celle de perdre un patient. »

D’ailleurs, il allait jusqu’à en amener à la maison. Des patients, petits ou grands, qui s’ennuyaient de leur famille. 

Au-delà de ses prouesses médicales, Dan Mauger parle de l’engagement de Camille Marcoux pour sa communauté. Il était notamment du Conseil économique de la Basse-Côte-Nord. 

« Il s’inscrivait dans cette mentalité de l’époque, où on ne pouvait pas seulement être médecin, ou missionnaire. Il y en a qui étaient plus des animateurs, des développeurs, des organisateurs socioéconomiques. » 

Une perte énorme

Son cousin n’est pas le seul à noter cet aspect. Un autre monument de la région a été à même de constater l’impact du passage du Dr Camille Marcoux.  

Louis Ange Santerre a publié un texte dans le journal L’Avenir, « Quand on pleure un ami », le 18 septembre 1973. Cinq jours après l’accident. Il écrit : « le Dr Marcoux, extraordinairement bien secondé par sa femme, devint l’homme de toutes les situations et, pour ses concitoyens, l’homme de toutes les professions ; médecin d’abord bien sûr, mais aussi leur avocat, leur notaire, leur conseiller et leur représentant près de tous les ministères et les gouvernements. »

Plusieurs de leurs discussions étaient sur les problématiques rencontrées en matière d’école, de bibliothèque, de services de santé, d’eau, d’égout, de route…

Pour lui, la perte était douloureuse sur le plan personnel, mais pour la région encore plus.

Je ne crois pas que la population de la Côte-Nord n’ait jamais été plus durement éprouvée

Louis Ange Santerre

« Je ne crois pas que la population de la Côte-Nord n’ait jamais été plus durement éprouvée », a-t-il affirmé. « Il faut l’avoir connu depuis longtemps, savoir tout ce qu’il faisait et connaître la région où il œuvrait pour mesurer la perte énorme et irréparable que viennent de faire non seulement toute la population de la région de Lourdes-de-Blanc-Sablon, mais également toutes les populations des villages de la Basse-Côte-Nord et de toute la Côte-Nord elle-même. »

Un legs toujours vivant

Le jour de ses funérailles, la Fondation Docteur Camille Marcoux a été créée. On a demandé de remplacer les fleurs par un don à la nouvelle organisation, qui existe toujours d’ailleurs. Elle a notamment pour but d’aider les étudiants de la Basse-Côte-Nord à poursuivre leurs études par l’attribution de bourses. 

Par ailleurs, à ce jour, le CISSS de la Côte-Nord reconnaît encore l’apport indéniable de l’homme. 

« Dr Marcoux a été un personnage marquant pour le développement des soins de santé en Basse-Côte-Nord. Après ses études, il n’a pas hésité à revenir dans sa région natale, en milieu isolé, pour desservir sa population », a commenté l’organisation au Nord-Côtier. « Encore aujourd’hui, 50 ans après son décès, les gens la Basse-Côte-Nord se souviennent de sa persévérance et de son dévouement. La présence de la Fondation Camille-Marcoux permet de perpétuer sa mémoire et de se rappeler l’apport qu’il a eu pour les services de santé, mais aussi pour le développement économique, social et scolaire dans la région. »

Et en entrevue, son fils, Perry Marcoux, a su bien illustrer l’intensité que son père avait face aux préoccupations de sa région.

« S’il était encore là, peut-être que nous l’aurions la route. »

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