Un policier et un travailleur psychosocial patrouillent Sept-Îles

Par Emy-Jane Déry , Emy-Jane Déry 9:15 AM - 27 septembre 2023
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La patrouille EMIPIC de Sept-Îles. Le policier Jean-Sébastien Therrien et le travailleur psychosocial, Samuel Leclerc.

Un policier en uniforme, en service, dans l’allée des fruits et légumes, qui fait l’épicerie avec une personne pour l’aider, ça existe à Sept-Îles. Nous sommes l’une des rares villes au Québec à avoir une patrouille EMIPIC, c’est-à-dire, un policier et un intervenant psychosocial qui font équipe et répondent à des appels du 911, qui nécessitent davantage une oreille attentive que l’usage de la force. 

Jean-Sébastien Therrien est policier à la Sûreté du Québec. Samuel Leclerc est éducateur spécialisé au CISSS de la Côte-Nord. Les deux ensemble, à bord de leur vannette, ils sont l’Équipe Mixte d’Intervention – Police et Intervenants Communautaires (EMIPIC). D’abord lancée comme un projet pilote en 2021, la patrouille est maintenant bien implantée. 

Pour 2022-2023, elle a à son actif 496 interventions réalisées. Là-dessus, 198 ont été faites à la suite d’un appel logé au 911. 

« On prend le temps de prendre le temps », résume le patrouilleur, Jean-Sébastien Therrien. Là est toute la différence. « C’est arrivé que j’aille faire l’épicerie avec quelqu’un pour l’aider, mais aussi, pour garder le lien de confiance », explique-t-il. 

Voilà comment ça se passe : un appel entre. Une patrouille se rend sur place et réalise que le besoin est davantage d’ordre psychosocial (itinérance, toxicomanie, santé mentale etc.). Une fois les lieux sécurisés, on envoie EMIPIC et la patrouille « régulière » retourne sur le terrain. Avant, cette dernière pouvait être mobilisée durant des heures à essayer de gérer une situation de nature sociale, ce qui n’est pas le mandat premier de la police, qui n’a pas non plus toute l’expertise requise dans le domaine. 

« Ça faisait en sorte qu’on pouvait passer deux heures en attente au téléphone au 811 avec la personne, pour finalement se faire dire de l’amener à l’hôpital, pour ensuite aller à l’hôpital avec cette personne, attendre dans la salle d’attente avec elle… et ainsi de suite », illustre le sergent Hugues Beaulieu, agent de communication à la Sûreté du Québec. 

Une partie des interventions de EMIPIC visent aussi à agir en prévention, dans l’espoir de réduire le nombre d’appels d’urgence nécessitant au fond que la personne soit référée aux bons services. 

« La même personne va appeler toute une nuit, pendant des heures, voire des jours. Elle ne dormira pas. Elle bloque des lignes, le travail des policiers… maintenant, eux [EMIPIC] sont sur le terrain et ils peuvent agir », illustre le sergent Beaulieu.  

Dans la dernière année, 35 % des interventions de la patrouille EMIPIC à Sept-Îles se sont traduites par des échanges, des discussions et des suivis avec les partenaires, les organismes communautaires et le CISSS.

Le duo sert à faire le pont entre l’univers policier et celui de la santé et des services sociaux.

« Quand on arrive à l’hôpital en tant que patrouilleur, on donne notre rapport au médecin, il ne verra peut-être pas la dangerosité que Samuel va avoir vu », dit Jean-Sébastien Therrien, le membre policier de la patrouille EMIPIC. « Je vais prendre le temps d’aller voir le médecin, de lui expliquer la situation, mes observations », renchérit Samuel Leclerc. Car non, le jargon médical et policier n’est pas le même. Le duo EMIPIC a d’ailleurs pris un certain temps à se comprendre et à se familiariser lui-même. 

Plus facile également de convaincre un juge d’intervenir pour s’assurer qu’une personne reçoive des soins, quand on est travailleurs psychosociaux et que l’on connaît les critères pour appliquer P-38 (Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui). 

Les résultats sur le terrain sont tangibles, selon le CISSS de la Côte-Nord. On rapporte un meilleur soutien aux patrouilleurs lors de crises psychosociales, une réduction des appels de première ligne, une diminution du phénomène des portes tournantes à l’urgence, une meilleure prise en charge des personnes vulnérables et une diminution des tensions provenant des problèmes de cohabitation entre les personnes en situation d’itinérance et la population.

Les choses changent

La façon de faire la police change, définitivement. La clientèle aussi. 

Le père de Samuel Leclerc était policier. 

« Je l’ai vu agir, j’ai vu comment ça se passait et j’ai toujours voulu aller travailler dans le domaine de l’urgence », dit-il. 

Malgré sa familiarité avec le milieu, il avoue être saisi par les situations avec lesquelles il se retrouve parfois confronté dans son travail au quotidien.   

« Il y a des situations qui me surprennent, des choses que tu n’es pas habitué de voir, ou d’entendre parler », admet-il.  

Quelles choses ? 

« La misère humaine », dit-il. 

« Dans mes autres emplois, les gens sortaient de chez eux pour venir chercher de l’aide. Là, nous, on entre dans leur milieu pour aller les aider et elle est là, toute la différence. »

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