Places en garderies | La réalité nord-côtière incomprise

Par Marie-Eve Poulin 5:03 AM - 13 juin 2024
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Directrice générale du bureau coordonnateur Magimuse, Lucie Vaillancourt. Photo archives

Contrairement à la majorité des régions du Québec, la Côte-Nord n’atteindra pas un taux de couverture de 90 % à la fin du Grand Chantier des familles. La réalité du territoire de 1 300 kilomètres est incomprise, plaide le milieu des centres de la petite enfance. 

Le Grand Chantier des familles est un projet du gouvernement du Québec qui vise à compléter le réseau des services de garde à l’enfance. Il tire à sa fin. Les 37 000 places promises avant 2026 seront bientôt atteintes. Les régions du Québec se retrouveront presque toutes avec une couverture de 100 % ou plus. Toutefois, la Côte-Nord est l’une des seules régions qui n’atteindront pas 90 % à la fin de l’échéancier de cette promesse. L’autre, c’est l’Abitibi-Témiscamingue. Le modèle d’estimation du gouvernement présenté le 31 mars 2024 prévoit un taux de 85 % pour la Minganie, 89 % pour Manicouagan et de 90 % pour Sept-Rivières. 

La directrice du CPE Magimuse à Baie-Comeau, Lucie Vaillancourt, se questionne quant aux outils utilisés pour évaluer les besoins de places sur la Côte-Nord. Elle ne veut surtout pas prêter de mauvaises intentions aux décideurs, mais elle croit fortement qu’ils ne comprennent pas bien la réalité de la région.

Dans les grands centres, il est possible de faire quelques minutes de route pour se rendre dans la région voisine et y obtenir une place en garderie. C’est même bien souvent sur le chemin pour se rendre au travail. Il en va de même pour le partage d’employés, pour combler les heures des CPE. Les éducatrices peuvent facilement se promener d’un service de garde à l’autre, dans une journée.

Cependant, les parents nord-côtiers ne peuvent pas se fier aux villes avoisinantes pour obtenir des services de garde. Un parent ne peut évidemment pas partir de Sept-Îles pour apporter son enfant dans un CPE de Baie-Comeau, aller travailler et retourner le chercher le soir. Le même exercice entre Sept-Îles et Port-Cartier serait tout aussi incohérent, bien que certains finissent pas s’y résoudre.

La distance impacte également la main-d’œuvre. Une éducatrice ne peut pas faire des heures le matin à Forestville et faire l’après-midi à Tadoussac. Les éducatrices à temps partiel auront plus de difficulté à cumuler les petits postes pour se faire un temps plein et avoir un salaire décent au bout de la semaine. 

Région importante

« Ce que je trouve décevant, c’est que le gouvernement ne réalise pas à quel point nos régions sont importantes, mais aussi à quel point nos besoins sont fluctuants », déplore Lucie Vaillancourt.

« Les besoins sont modulés par les entreprises et les projets », dit-elle. « Quand l’aluminium va bien, quand le papier allait bien, quand les mines vont bien, quand on a des chantiers hydroélectriques, on a un boom économique.»

C’est à ce moment que la région a besoin de services de gardes et d’infrastructures, dit-elle. Quand ça va mal, c’est un creux de vague. « Je comprends que le Ministère, c’est difficile pour lui d’évaluer ça.»

Elle se demande si le gouvernement tient vraiment compte de cette réalité. « Je me demande si nos besoins sont autant scrutés à la loupe que les grands centres », questionne Mme Vaillancourt. « Si la réponse est oui, ça se traduirait par notre couverture sous le 90 % comparé à ailleurs qui est à plus de 100 % ».

Lucie Vaillancourt se demande comment « les petits bris de services en centre de la petite enfance » peuvent être considérés, quand on voit ce qui est arrivé avec le CISSS de la Côte-Nord qui annonçait une grande découverture à la suite de décisions prises dans les grands centres.

« Ça n’a juste pas de sens comment chez nos décideurs, nos besoins ne sont pas pris en compte », dit Mme Vaillancourt. « S’ils sont analysés nos besoins, alors ils n’utilisent pas les bons outils. Sinon, on n’arriverait pas à un taux de couverture de 89 %.»

Elle croit que dans les régions près des grands centres, ils ont une voix plus forte, appuyée par des organismes, comparativement à notre région aux MRC dispersées. « Ça se peut que la Minganie crie fort une année, mais son décibel est pas mal moins haut qu’exemple la Montérégie », illlustre-t-elle. 

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