L’ensemencement de truite domestique envisagé

Par Emelie Bernier 5:00 AM - 19 juin 2024 Initiative de journalisme local
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Les truites indigènes offrent une meilleure expérience de pêche, selon le propriétaire de la Pourvoirie du lac Cyprès et vice-président de l’Association des pourvoiries de la Côte-Nord. Courtoisie

Le ministère de l’Environnement, de la Lutte aux Changements climatiques, de la Faune et des Parcs a amorcé une révision de règlements sur l’aquaculture, qui pourrait ouvrir la porte à l’ensemencement de truite non indigène dans des lacs qui en sont jusqu’ici exempts. 

L’ensemencement de poissons dans les plans d’eau du Québec est régi par le Règlement sur l’aquaculture et la vente de poisson et le Règlement sur les catégories de permis d’aquaculture. Ces règlements feront l’objet d’une révision.

« Le MELCCFP (…) a sollicité la contribution de l’ensemble de ses partenaires fauniques pour alimenter les réflexions. Aucune décision finale n’a encore été prise concernant les orientations », précise un porte-parole du MELCCFP, Daniel Labonté.

Charles Pinard, vice-président de l’Association des pourvoiries de la Côte-Nord, ne voit pas du tout d’un bon œil l’apparition de truites non indigènes dans les lacs du territoire, où il possède lui-même une pourvoirie.

« Pour nous, c’est un gros non, parce que c’est justement ce qu’on vend sur la Côte-Nord. Nos quotas de 20 truites, et la truite indigène. On n’a pas été consulté et c’est presque fait ! », se désole-t-il.

Le porte-parole du MELCCFP indique toutefois que « les propositions de modifications réglementaires retenues seront soumises pour consultation selon la mécanique réglementaire habituelle. »

Cela ne rassure pas M. Pinard, qui s’inquiète également du sort de l’aquaculteur Serge Pelchat, d’Aquaculture Indigène à Longue-Rive.

« On a une seule pisciculture qui fait de la truite indigène au Québec, Aquaculture l’indigène. Serge Pelchat s’est lancé en affaires avec ça. Là, le ministère veut qu’on puisse ensemencer de la truite domestique dans nos lacs… Est-ce que ça va être viable pour lui ? »

Serge Pelchat est mitigé par rapport à la démarche du MELCCFP. Il tire 20 % de ses revenus de la truite indigène. L’autre 80 % provient de l’élevage de truite domestique. « Au final, ça coûte beaucoup plus de sous faire de l’indigène. Elle prend un an de plus à produire, elle est plus nerveuse, c’est plus long avant qu’on puisse l’ensemencer… », résume M. Pelchat.

La truite indigène n’offre pas le même « feeling » au pêcheur, selon MM Pelchat et Pinard. « Et ce serait peut-être se tirer dans le pied, d’un point de vue écologique, de mettre des truites non indigènes dans les lacs », indique Serge Pelchat, qui souhaiterait toutefois obtenir de l’aide pour financer le volet « truite indigène » de son entreprise. « Si les élus de la Côte-Nord veulent la garder en exclusivité dans leurs lacs, ils devraient mettre un budget spécial pour m’aider », indique-t-il.

Du côté de l’Association des pourvoyeurs, il ne fait aucun doute que l’introduction de la truite domestique « dans les lacs où il n’y en a jamais eu » est une mauvaise idée. 

« Pour nous, ce serait vraiment désolant que le gouvernement l’autorise. On est en région éloignée, il faut garder ce qui nous distingue pour maintenir notre attractivité ! », conclut Charles Pinard.

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