Dossier | Un manque d’humanisme dénoncé au CHSLD N.-A.-Labrie de Baie-Comeau

Par Anne-Sophie Paquet-T. 6:00 AM - 26 juin 2024
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Francine Arsenault explique qu’elle doit écrire ses demandes puisque celles-ci ne se rendent habituellement pas aux chefs de département, selon ses dires. Photo : Anne-Sophie Paquet-T

Majorique Arsenault, un résident du CHSLD N.-A.-Labrie de Baie-Comeau est atteint de la maladie à corps de Lewy (MCL) qui est une forme de trouble neurocognitif. Sa femme Francine Arsenault se rend à son chevet de 10 à 12 heures par jour, et ce, tous les jours depuis le 9 janvier 2023 pour s’assurer des soins prodiguer à son mari. « 56 ans d’amour, ça ne s’efface pas », clame-t-elle en se désolant que son mari ne soit pas traité comme il le devrait. 

« C’est nous autres qui devons toujours tout surveiller », déplore Mme Arsenault. Même si la proche aidante souligne le travail et le dévouement de certains membres du personnel du CHSLD, elle dénonce le je-m’en-foutisme de plusieurs. 

Celle qui a une expérience de 42 ans comme infirmière raconte plusieurs situations que son mari aurait subies à son CHSLD.

Laissé dans sa propre urine durant plusieurs heures, mauvaise hygiène de ses parties intimes, changement de culottes d’incontinence non réalisées le laissant dans ses selles, administration d’un médicament benzodiazépine sans que Mme Arsenault ait donné son autorisation, irrégularité dans la prise de médicaments, aucune hydratation de même que certaines situations dénigrantes pour le bénéficiaire sont au cœur du témoignage de Francine Arsenault. 

« On me dit que je ne m’adresse pas à la bonne personne lorsque j’ai une demande à formuler », explique-t-elle. 

Selon sa version, elle aurait fait des demandes claires allant des préposés à la gestionnaire de l’époque pour exprimer ses insatisfactions et les besoins de son mari.

Sans avoir de réponse, elle écrit toutes ses demandes et les colle sur les murs de la chambre de M. Arsenault souhaitant que le message puisse se rendre « aux bonnes personnes » sans savoir qui elles sont. 

Une caméra pour voir et entendre 

Mme Arsenaut et sa famille ont pris les grands moyens pour avoir la tête plus légère lorsqu’ils sont absents. Ils ont installé une caméra afin d’être témoin des soins et du traitement que vie Majorique Arsenault.

« Tout le monde devrait avoir ça », exprime-t-elle. « Depuis, ça c’est beaucoup amélioré », avoue-t-elle. 

La Baie-Comoise aimerait avoir la tête tranquille aussi lorsqu’elle n’est pas au chevet de son mari. « J’ai rencontré de véritables anges ici », tient-elle à préciser. L’humanisme qui devrait être la base de la profession n’est pas chose commune, de l’avis de la dame de 77 ans.  

Lorsque Le Manic demande à Francine Arsenault si elle a porté plainte, elle s’empresse de dire « non ». Elle ajoute que « ça ne sert strictement à rien ».

Ses enfants et elle auraient porté plainte au Collège des médecins du Québec concernant l’ancien médecin de famille du père de famille. « Elle ne voulait pas nous donner la requête ni l’envoyer à Québec », se rappelle-t-elle.

Ils auraient passé de nombreuses heures à se battre pour avoir l’avis d’un neurologue à Québec, ce qu’ils ont finalement obtenu, mais trop tard.

Depuis, la famille Arsenault ne veut plus « s’épuiser » dans ce genre de situation.

« Je me suis fait dire qu’ils viennent ici pour mourir », conclut-elle, désolée de la situation.

La gestionnaire défend son établissement 

Stéphanie Harrisson, infirmière clinicienne de formation et gestionnaire au CHSLD N.-A.-Labrie depuis janvier 2024, soutient que l’établissement est un milieu de vie où les patients ont la liberté de se sentir comme à la maison.

Plusieurs des soins et des services sont personnalisés à la routine, à la santé et à l’état du patient, ont confirmé Mme Harrisson et Dr David Mercier, qui pratique au CHSLD N.-A.-Labrie depuis plusieurs années. « Nous avons des rencontres d’équipe à chaque mois pour les préposés à l’unité ainsi qu’avec les infirmières auxiliaires », explique la gestionnaire. Toutes les deux semaines des rencontres avec les chefs d’équipe ont lieu « pour mettre à jour diverses pratiques et faire différents rappels sur des choses à améliorer ».

La gestionnaire soutient que des chefs d’unités sont toujours disponibles à tous les quarts de travail pour répondre aux questions et besoins des familles. Son assistante-clinicienne ainsi qu’elle-même sont régulièrement sur le plancher pour porter main-forte aux employés ainsi que s’assurer que les formations sont à jour. Un médecin de garde est aussi disponible en tout temps pour tout type de consultations. En collaboration avec les infirmières, les soins et la médication sont discutés et tous les changements sont inscrits dans le dossier du patient.

« Nous avons une rencontre avec les familles à tous les 9 à 12 mois », explique Dr Mercier. Ces rencontres sont pour revoir la situation du patient et répondre à toutes les questions. Stéphanie Harrisson et Dr Mercier confirment que les patients sont intégrés aux activités et à une routine, selon leurs champs d’intérêt. La sécurité des patients est l’une des priorités de l’établissement.

En plus d’avoir plusieurs outils pour s’en assurer, aucune forme de maltraitance ni de négligence n’est tolérée que ce soit pour le personnel régulier ou encore pour la main-d’œuvre indépendante. Mme Harrisson avoue qu’elle a déjà eu à intervenir avec certains employés d’agences afin qu’ils ne reviennent pas travailler au CHSLD. Elle confirme par contre que c’était pour des raisons d’inefficacité seulement.  

Selon les informations du service des communications du CISSS Côte-Nord, cinq plaintes ont été déposées pour le CHSLD N.-A.-Labrie dans la dernière année sans en connaître l’objet. De plus, aucune mise à pied n’a eu lieu dans les deux dernières années dans cet établissement.

Stéphanie Harrisson est gestionnaire du CHSLD N.A Labrie depuis janvier 2024. Dr David Mercier est un médecin régulier dans l’établissement. Photo : Anne-Sophie Paquet-T

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