Un immigrant privé de permis de travail

Par Charlotte Vuillemin 4:00 PM - 10 juillet 2024
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Valentin Gérard est un immigrant français arrivé sur la Côte-Nord en 2019. Photo courtoisie

Valentin Gérard, un étudiant français arrivé sur la Côte-Nord en 2019, se retrouve dans une situation précaire à la suite du refus de sa demande de permis de travail post-diplôme, imputable à une erreur administrative d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).

M. Gérard a quitté la France en 2019 pour poursuivre ses études de Techniques en aménagement cynégétique et halieutique (TACH) au Cégep de Baie-Comeau.

Diplômé en 2023, il a immédiatement entamé les démarches pour obtenir un permis de travail post-diplôme. Mais après neuf mois d’attente, sa demande a été refusée.

« Pourquoi ma demande a-t-elle été refusée ? Car j’étais passé devant le tribunal en 2021, mais j’ai eu une absolution en vue de mon statut d’immigration. Donc d’une part, je n’ai pas été condamné, mais je suis considéré comme ne pas avoir été déclaré coupable. Et dans la lettre de refus d’Immigration Canada, c’est leur motif », explique l’immigrant.

Cette situation est d’autant plus surprenante puisque Valentin avait déjà renouvelé son permis d’études après le jugement, sans rencontrer aucune difficulté. « Cela m’a vraiment surpris, car j’avais déjà renouvelé mon permis d’études avec le Cégep pour faire 4 ans au lieu de 3, et à ce moment, le jugement était déjà passé. Et ça n’avait posé aucun souci pour le renouvellement », souligne-t-il.

Face à ce refus, Valentin n’a pas baissé les bras. « Suite à ça, j’ai envoyé une première réclamation pour expliquer mon droit, et après deux mois, j’ai refait une deuxième réclamation avec un courrier de mon avocat, Me Métivier. Mon infraction a été commise en 2020, mais le jugement a été rendu en septembre 2022. Mon permis d’études, je l’ai reçu en 2023, donc après le jugement », précise-t-il.

La situation a pris une tournure encore plus frustrante lorsque Valentin, qui avait trouvé un emploi, a reçu la lettre de refus une semaine avant de commencer son travail.

« À ce moment, je suis très stressé. Je contacte mon avocat et il était surpris. Vu que j’ai été coaccusé, et que l’autre coaccusé a été condamné, ça se peut qu’ils aient inversé les deux dossiers. Quand on tape mon nom sur le registre criminel du Québec, c’est le dossier de l’autre qui est sorti en premier. Peut-être qu’ils n’ont pas cliqué sur le détail ? » se demande-t-il, essayant tant bien que mal de comprendre pourquoi son permis de travail lui a été refusé.

Une attente insoutenable

Cette « erreur administrative », comme il la qualifie, l’a plongé dans une situation d’attente interminable et anxiogène. « En ce moment, c’est assez difficile. Je suis pogné dans mon appartement et je fais rien, j’attends. Je ne peux pas faire de sorties, car je vis sur mes économies, et il faut rationner chaque dépense. Depuis le 20 mars, je reste dans mon appartement », confie-t-il tristement.

« Avant, je sortais, je participais à des associations, j’étais membre de Manicouagan Interculturel et je parrainais de nouveaux arrivants. Maintenant, c’est rendu que je reste devant la télé et je commence à ressentir de grandes vagues d’angoisse, c’est compliqué. C’est une angoisse que je n’arrive pas à expliquer, ça fait mal au plus profond », ajoute le Français d’origine.

Cette situation désespérante pourrait forcer Valentin à abandonner la vie qu’il a mis des années à construire au Canada en raison d’une erreur administrative.

« Je me sens coincé et prisonnier des délais de l’IRCC. Il y a un moment où je ne vais plus y arriver financièrement et toute la vie que j’ai mis à bâtir en 5 ans ici, si je rentre en France, je vais devoir l’abandonner. Ça me hante. Et puis me dire que je suis inutile ici et que je ne sers à rien, sans travail et sans trop de contact social, ce n’est pas évident », commente M. Gérard.

En attendant la décision de l’IRCC, Valentin Gérard et son avocat continuent d’espérer une résolution favorable.

Une absolution complète

Me Matthieu Métivier, l’avocat de M. Gérard, a confirmé que son client avait été absous de toutes les infractions qui lui étaient reprochées.

Cette confirmation devrait, en théorie, permettre à Valentin Gérard de conserver son statut au Canada sans obstacle.

Interrogé sur le refus de l’IRCC d’octroyer un permis de travail à son client, Me Métivier a exprimé son regret face à cette décision. « Il est regrettable que l’IRCC refuse d’émettre un permis de travail à Monsieur, alors que la suggestion commune présentée devant le tribunal et entérinée par celui-ci visait justement à permettre à Monsieur de garder son statut au Canada. »

L’IRCC réfute l’erreur

Dans une réponse écrite, l’IRCC a clarifié sa position en réfutant toute erreur administrative. Selon l’agence, la demande de permis de travail de M. Gérard a été rejetée après une évaluation minutieuse. Elle soutient que l’immigrant n’a pas mentionné son casier judiciaire dans sa demande, ce qui constitue une fausse déclaration.

M. Gérard est donc considéré interdit de territoire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) puisqu’il a été « déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans ou d’une infraction pour laquelle une peine d’emprisonnement de plus de 6 mois a été imposée. »

La défense n’est pas d’accord

L’avocat de Valentin Gérard, Me Matthieu Métivier, conteste fermement la décision de l’IRCC. Selon lui, l’absolution conditionnelle reçue par son client devrait empêcher la création d’un casier judiciaire. Il affirme que l’IRCC « fait fausse route » en considérant l’absolution de son client comme une condamnation.

L’IRCC a mentionné qu’elle procédera à une évaluation de la demande de reconsidération de M. Gérard. Cette procédure reste cependant conditionnée à sa capacité de démontrer la nécessité d’un réexamen de son dossier. La situation de M. Gérard est suivie de près par son avocat, qui voit en elle un test crucial de la flexibilité et de la justice du système d’immigration canadien. Pour l’instant, l’avenir de l’immigrant baie-comois au Canada reste incertain, en attendant la décision finale de l’IRCC.

Une lueur d’espoir

Dans un courriel reçu par M. Gérard lundi 08 juillet, l’IRCC informe ce dernier que suite à ces nouvelles informations transmises, son dossier a maintenant été transféré au bureau responsable. De ce fait, son dossier devrait être révisé sous peu, une lueur d’espoir pour le français qui attend cela depuis fin mars.

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