Colinor: 190 000 $ pour une app non fonctionnelle

Par Marie-Eve Poulin 5:30 AM - 23 juillet 2024
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Colinor Kateri Champagne Jourdain

Marc Normand, ex-directeur général de la table bioalimentaire, Sandra Blais et Kateri Champagne Jourdain, lors du lancement de l’application Colinor, en janvier 2023. 

Un an et demi après le lancement d’une application qui a bénéficié de 190 000 $ en subvention de Québec pour solutionner les problèmes de transport de colis sur la Côte-Nord, rien n’est fonctionnel et personne ne peut quantifier son rendement. 

L’application lancée en janvier 2023 était hors service depuis au moins le mois de mars dernier (date à laquelle nous avons tenté d’y accéder), et ce, sans que personne ne s’en aperçoive.

 « Il n’y a pas d’animateur de cette plateforme-là », mentionne Martin Pier Tremblay, directeur général de la Table bioalimentaire Côte-Nord, l’organisme derrière la création de l’application de transport de colis collaboratif, Colinor.

La plateforme offre des services de mise en contact entre les entreprises qui souhaitent faire parvenir des colis, avec d’autres entreprises qui prévoient déjà un envoi au même endroit. Toutefois, personne n’est mandaté pour gérer l’application. 

« Les gens s’inscrivent, ils inscrivent des trajets et tout se passe entre usagers. La Table ne fait pas une veille de ça. La veille qu’il y a à faire, c’est au niveau technologique », explique M. Tremblay, qui est à la tête de la Table bioalimentaire depuis septembre 2023, donc qui n’était pas en poste au moment de la création de l’application. 

Lors du lancement du projet, un appel d’offres avait été effectué pour donner le contrat de création de l’application à une firme spécialisée (Toucan) et c’est tout. 

Ainsi, puisqu’aucun utilisateur n’a rapporté la problématique, impossible de savoir depuis quand l’application était hors fonction, selon M. Tremblay, qui, alerté par le Journal, s’est empressé de vérifier la situation et d’aviser les responsables de la conception de la plateforme pour corriger la problématique. La situation devrait être partiellement réglée d’ici la semaine prochaine, nous dit-on. En septembre, d’importantes mises à jour, qui sont à l’origine de la panne, devraient aussi être complétées. 

Sandra Blais, présidente du conseil d’administration de la Table bioalimentaire mentionne qu’ils sont malheureusement dépendants de la firme Toucan, mais « qu’elle ne les lâchera, pas parce que c’est une priorité ».

« J’ai dit, écoute -là, depuis le temps, il faut que ça fonctionne et être capable de s’inscrire. On a fait un lancement, vous étiez là avec nous, mais là, ça marche pas votre affaire » résume-t-elle de l’échange avec la firme. « On ne l’a pas fait pour qu’elle fonctionne dans vingt ans, on veut qu’elle fonctionne là. »

Peu de données

Comme personne n’a levé la main pour signaler le problème sur une période d’au moins quatre mois de non-fonctionnalité, on peut se questionner sur la popularité de l’application. Pour la période où Colinor était fonctionnelle, difficile d’obtenir des données sur son rendement.

« Je peux vous confirmer qu’en date d’aujourd’hui, on a 330 personnes inscrites sur l’application et 146 organisations inscrites », dit M. Tremblay. « Il y a eu beaucoup de trajets. On sait que ça s’est déplacé beaucoup vers Baie-Comeau », poursuit-il, vaguement.

Combien de trajets, qui les ont empruntés, combien de fois, où ils sont allés… toutes des questions auxquelles M. Tremblay ne peut répondre. 

Investissement 

Kateri Champagne Jourdain avait annoncé un investissement de 188 330 $ du gouvernement du Québec. L’aide accordée à la Table bioalimentaire Côte-Nord s’inscrit dans le cadre du programme Territoires : laboratoires d’innovations bioalimentaires.

Questionnée sur le projet et ses ratés, Bénédicte Trottier Lavoie, l’attachée de presse de la ministre Champagne Jourdain répond que la plateforme est en entretien technique et qu’elle devrait être active prochainement. Colinor a nécessité des investissements totaux de plus de 235 000 $ et des montants supplémentaires seront nécessaires pour améliorer le service et en faire la promotion, affirme la Table bioalimentaire. 

« Partiellement satisfaisant » 

Le concept de Colinor est de permettre un partage des coûts de transport, tout en diminuant l’empreinte écologique. Le but était aussi de maximiser la présence et la disponibilité des produits régionaux sur la Côte-Nord et partout dans la province. 

« Pour moi, Colinor est une solution intéressante, mais on aimerait avoir une solution qui englobe toute la Côte-Nord, incluant la Basse-Côte-Nord et l’île d’Anticosti », affirme Martin Pier Tremblay. « Colinor n’est pas capable desservir ça. Donc, pour moi, c’est partiellement satisfaisant ». 

Le manque de promotion du projet ne joue pas en sa faveur. Le Journal s’est entretenu avec une dizaine d’entreprises de Sept-Îles et Port-Cartier. La majorité de leurs dirigeants ne connaissait pas l’existence de Colinor. Un a mentionné s’être abonné, mais les trajets dont il avait besoin ne figurent pas dans le service. Par la suite, il a oublié s’être abonné à la plateforme. Une autre entrepreneure a indiqué avoir tenté de se créer un compte, mais impossible de le faire, puisque c’était hors service. 

« Colinor doit être mis en valeur au niveau promotionnel avec une campagne, avec un déploiement sur tout le territoire », dit M. Tremblay. Il mentionne que les précédents dirigeants de la Table bioalimentaire avaient effectué des demandes de fonds pour la promotion, mais que celles-ci avaient été refusées. Il ne baisse pas les bras et compte aller de l’avant pour promouvoir Colinor.

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