La vie traditionnelle du chien de l’Innu

Par Jacob Buisson 5:29 AM - 25 juillet 2024 Initiative de journalisme local
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Photo Pierre-Luc Bélanger

Un “tshimitshishkan”, chien chasseur, à Nutashkuan. On peut voir que ses oreilles et sa queue ont été coupées.

Contrairement à l’imaginaire collectif des courses de traineau, le chien de l’Innu tirait traditionnellement le traineau aux côtés de son maître, explique l’anthropologue Pierre-Luc Bélanger. Ce type de relation entre les Innus et le chien a pris fin après la sédentarisation, officialisée en 1963 à Ekuanitshit (Mingan) et plus récemment dans les communautés de la Basse-Côte-Nord.

Dans la mémoire collective innue, le chien et l’humain avaient et ont une relation de respect mutuel. Selon un récit oral, le chien se différencie du loup par son caractère. S’il y avait une famine, le chien mourrait de faim avec son maître, alors que le loup l’aurait mangé. 

Les tâches 

Il y avait habituellement un ou deux chiens par famille pour exécuter les tâches quotidiennes : transport, chasse et protection du campement. Le chien assistait l’humain pour tirer les charges, que ce soit un traineau ou un canot. Il avait sa place dans le canot lorsqu’une famille remontait une rivière, comme n’importe quel autre membre. Lorsque la place était limitée dans le canot, il avait l’agilité de suivre sur le rivage, à travers les branches d’épinettes. Autre utilité du chien lors des déplacements, « quand on traversait un lac gelé, la façon dont il réagissait par rapport à la glace, ça permettait de savoir si le passage était sécuritaire ou pas, si la glace était solide ou mince », illustre M. Bélanger.

Le chien familial trouvait les animaux, autant les oiseaux et le castor que le caribou. Il avait droit aux restes de viande sur les os. 

La nuit, la famille innue laissait au soin du chien d’éloigner les prédateurs, puisqu’autrement, elle était protégée par une simple tente. 

Le stéréotype

Homme et chien tiraient à travers la forêt boréale le traineau familial. Il contenait des vivres, de l’équipement et parfois des enfants ou des ainés. Pour pouvoir se faufiler facilement entre les arbres, la famille n’avait qu’un ou deux chiens. 

Les Inuit, eux, qui chassaient la baleine sur la banquise arctique, pouvaient se permettre d’avoir plusieurs chiens devant le traineau. Ils les attelaient en éventail pour répartir leur poids sur la glace. 

Les Innus et les Inuit échangeaient occasionnellement des chiens, lorsqu’ils se rencontraient à la limite de leurs territoires respectifs. Ça a mené à un métissage des races.

Les Innus se donnaient aussi des chiots entre eux. L’anthropologue Pierre-Luc Bélanger souligne que « ça pouvait aider à faire des alliances entre les familles. »

« Quand une famille nous donnait un chien, on se rappelait qu’elle avait été gentille avec nous. Ça fait qu’on était plus enclin à l’aider en retour, si jamais elle avait des besoins ».

Le tshimitshishkan, chien chasseur

Traditionnellement, les Innus préféraient les chiens de petite taille, peu importe l’apparence physique. Pour en faire d’encore meilleurs chasseurs, certains coupaient avec une hache la queue des chiots naissants. La croyance était qu’ils seraient moins repérables par leurs proies sans celle-ci. Ils coupaient aussi les oreilles pour la même raison. Et parfois, la membrane entre les deux narines était coupée pour décupler l’odorat. On appelait ce chien chasseur « tshimitshishkan », alors que le chien est habituellement « atimu ». 

Les communautés situées plus proche des centres urbains ont délaissé ces pratiques, puisqu’elles sont considérées comme de la cruauté animale par les vétérinaires. 

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