Les femmes qui ont perdu leur désir sexuel sont nombreuses; on peut les aider

Par Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne 5:00 PM - 27 juillet 2024
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Les troubles du désir découlent rarement de facteurs biomédicaux. Ils ont plus souvent comme origine l’interaction au sein du couple. Il importe donc d’y voir un problème qui concerne les deux partenaires. THE CANADIAN PRESS/Christinne Muschi

Une nouvelle thérapie sexuelle développée par une chercheuse de l’Université de Montréal vient en aide aux femmes dont le désir sexuel s’est atténué, un problème qui toucherait entre 30 % et 40 % des femmes adultes.

Cette thérapie fondée sur le couple a récemment été testée et standardisée par Sophie Bergeron, qui est professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les relations intimes et le bien-être sexuel. Elle fera maintenant l’objet d’un essai clinique randomisé à compter du mois de janvier.

«On parle d’un trouble de l’intérêt sexuel et de l’excitation quand les femmes ont un faible désir depuis au moins six mois, avec une détresse significative qui l’accompagne, a résumé Mme Bergeron. Le faible désir des femmes est la raison la plus fréquente pour laquelle les gens vont consulter des sexologues et des psychologues de couple.»

Jusqu’à un quart des femmes qui constatent une baisse de leur désir sexuel ressentent une telle détresse. Face à une cette situation, a ajouté Mme Bergeron, les deux partenaires pourront se remettre en question, se sentir inadéquats, voire commencer à douter de leur attirance pour l’autre ou de l’attirance de l’autre envers eux.

La thérapie, a-t-elle dit, «aide à normaliser» ces sentiments, à comprendre «que c’est un problème fréquent» et à accepter que «ce n’est pas parce que les gens font quelque chose de pas correct qu’ils vivent ce problème-là».

L’étude de faisabilité menée par Mme Bergeron et ses collègues Natalie O. Rosen, de l’Université Dalhousie, et Katrina Bouchard, de l’Université de la Colombie-Britannique, a engendré des améliorations allant de modérées à importantes des principaux symptômes de faible désir sexuel dyadique et de détresse sexuelle.

Plus de désir des hommes

Tout indique, a dit Mme Bergeron, que les hommes ont, à la base, un désir sexuel un peu plus intense que celui des femmes. Si certains hommes ont un désir plus faible, a-t-elle précisé, «la sexualité des femmes serait plus malléable, plus adaptative».

Les troubles du désir découlent rarement de facteurs biomédicaux, a rappelé Mme Bergeron. Ils ont plus souvent comme origine l’interaction au sein du couple. Il importe donc d’y voir un problème qui concerne les deux partenaires, a-t-elle souligné, et «nous on formule vraiment le problème comme appartenant au couple plutôt qu’à la femme».

«Une étude récente dit que ça pourrait notamment avoir trait aux nombreuses responsabilités qu’ont encore les femmes dans les couples hétérosexuels, leur charge mentale accrue, a indiqué la chercheuse. Il y a donc aussi des facteurs psychosociaux importants qui joueraient un rôle. Les femmes ont beaucoup de responsabilités, beaucoup de travail, il leur reviendra davantage de prendre soin des enfants, des parents aînés vieillissants, et cetera.»

L’intervention, qui est offerte seulement en mode virtuel pour en augmenter l’accessibilité, s’appuie ainsi sur la communication, l’acceptation, l’ouverture et la vulnérabilité entre les partenaires. Si d’autres thérapeutes verront la femme seule, cette intervention cible d’abord le développement de l’intimité au sein du couple.

Discussion ouverte

La thérapie invite aussi à parler ouvertement de sexualité, un des sujets les plus difficiles pour les couples, au point où plusieurs évitent de l’aborder. Les participants à cette thérapie seront ainsi invités à partager, par exemple, leurs préférences dans la sexualité. 

Une bonne part de l’intervention concerne par ailleurs le déboulonnement de mythes liés à la sexualité, dont ceux qui mènent les femmes à se blâmer et se culpabiliser pour leur manque de désir.

«Il faut enlever le fardeau des épaules de la femme, a dit Mme Bergeron. Il faut comprendre le désir, quels sont les accélérateurs du désir, mais aussi quels sont les freins au désir. On demande au couple d’examiner son quotidien pour identifier ces facteurs-là. On va beaucoup travailler le développement et l’approfondissement de l’intimité.»

On travaillera aussi à développer l’empathie, a-t-elle ajouté, puisqu’on sait que c’est «un facteur de protection important qui va améliorer le désir». Puisque la sexualité implique une grande part de vulnérabilité, «la capacité de réponse empathique de chacun des partenaires est importante (…) parce qu’on veut que les couples soient capables d’accéder à cette partie-là d’eux-mêmes, de se montrer vulnérable avec l’autre, et d’être bien accueilli dans ça, donc par de l’empathie».

Les couples seront invités à pratiquer des exercices de sensibilisation corporelle afin de réapprivoiser le toucher, mais sans la pression qu’il en résulte ensuite une relation sexuelle.

«Le traitement ne vise jamais à augmenter la fréquence des relations sexuelles, a dit Mme Bergeron. On ne cherche même pas à augmenter le désir, parce que ce serait contre-productif. On va mettre beaucoup l’accent sur comment vivre davantage de plaisir dans les relations sexuelles. La rationnelle c’est que plus c’est agréable, plus on devrait avoir envie de s’y adonner un petit peu plus souvent.»

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