Le rêve de « grand vagabondage océanique » de Daniel Cloutier

Par Emelie Bernier 6:00 AM - 28 juillet 2024 Initiative de journalisme local
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Daniel Cloutier et son grand œuvre : une goélette!

Médecin à la retraite, Daniel Cloutier a consacré une bonne partie de ses temps libres des 26 dernières années à la construction d’une goélette. Après maintes péripéties, le bateau s’apprête à descendre de la colline haute perchée où il a pris forme pour se rapprocher de sa destination : la mer.

Une fois lancé sur le sujet du fameux bateau qui trône, roi et maître, sur le terrain de sa maison de campagne transformé en chantier naval, Daniel Cloutier est intarissable. Il faut dire que ce projet a accaparé plusieurs de ses jours, et sans doute quelques nuits, depuis un quart de siècle.

« C’est l’architecte Daniel Bombigher qui a dessiné les plans. Au-dessus de 200 de ses bateaux ont navigué à travers le monde et aucun n’a eu de problème, sauf un, dans une tempête subite, il y a quelques années en Corse. Et ce n’était qu’un petit bris », lance M. Cloutier, visiblement sûr que sa splendide « coquille de noix » pourra affronter les humeurs du fleuve, du Golfe et de la mer.

Le bateau qu’il a choisi a pour nom le mam’ raccoon, un des modèles les plus « récents » de Bombigher, un artiste de la charpenterie de marine que M. Cloutier a rencontré à quelques reprises et avec qui il a même navigué.

Source : Pinterest

D’allure traditionnelle, le mam’ raccoon est inspiré des bateaux de bois qu’on construisait il y a plus de 100 ans sur la côte nord-est de l’Amérique. « Le Bluenose est dans cette famille », illustre le bâtisseur.

Avec ses 43 pieds « au pont » et ses deux mâts (qui l’attendent sagement dans le sous-sol de l’ancienne école Jean XXIII, à Saint-Joseph-de-la-Rive), le bateau de 15 tonnes a ce qu’il faut pour être qualifié de goélette. Mais il n’a pas le fond plat caractéristique des derniers bateaux de ce genre dans la région.

« Anciennement, les goélettes étaient des bateaux à voile et ensuite ils ont mis des moteurs par souci d’efficacité et afin de pouvoir naviguer sur une plus longue période. Après ça, les bateaux étaient à fond plat. » La construction de la goélette en composite bois (30 mélèzes!) et fibre de verre aura nécessité 135 gallons d’époxy!

La passion de la voile

Daniel Cloutier a découvert la voile alors qu’il était résident en médecine.

« J’ai commencé à faire de la voile il y a 46 ans sur un dériveur pour apprendre les notions de navigation. Avec un dériveur, si tu manques ta manœuvre, tu chavires. Tu rembarques et tu continues, mais c’est une bonne façon d’apprendre d’où vient le vent! », rigole le retraité.

Depuis, son amour pour la voile n’a cessé de grandir, nourri par maints séjours sur l’eau dont de nombreux cours, plusieurs voyages et maintes participations à des compétitions sur le fleuve, notamment la course Triangle de Cap-à-l’Aigle.

« Naviguer sur le fleuve, c’est ce que j’aime et que je connais le plus », confie celui qui a appris bien avant que le GPS ne vienne faciliter la navigation. « J’ai navigué à la boussole dans la brume, sans Loran-C, sans radar… À ce moment-là, je n’avais pas encore en tête l’idée de construire, je pensais plutôt acheter un bateau. »

La piqûre est officiellement venue quelques années plus tard, lorsqu’un de ses amis lui a demandé de convoyer son bateau de Rimouski à Havre-Saint-Pierre. « Le chemin le plus court, ce n’est pas nécessairement la ligne droite, que je lui avais dit. Avec mon petit équipage composé de deux amis, on est passé par les Îles-de-la-Madeleine, Terre-Neuve, Natashquan et la Minganie pour livrer le bateau à Havre-Saint-Pierre. On ne l’avait pas longtemps, le bateau, alors on en a profité! », rigole Daniel Cloutier.

Son projet est venu peu après.

Il y a 26 ans, Daniel Cloutier se lançait dans la folle aventure de la construction de son bateau. L’incendie du chantier maritime de Saint-Joseph-de-la-Rive est venu contrecarrer les plans assez tôt dans l’histoire. « Mon hangar a passé en feu, il y a 26 ans, et en même temps, j’ai perdu les gabarits que j’avais faits. Heureusement, j’avais tous mes plans. C’est là que j’ai décidé de construire le bateau chez moi, sur le plateau derrière Saint-Joseph-de-la-Rive », explique-t-il.

À la vue de l’énorme vaisseau, difficile de l’imaginer descendant la fameuse côte des Érables sans dégringoler vers « Saint-Jo » en contrebas. Mais le plan est fait, et bien fait.

« Avant de me lancer ici, j’avais demandé à des gens du coin qui m’avaient dit que ce n’était pas un problème de faire la descente du bateau. Et là, on se prépare à le descendre! J’ai des locaux qui m’aident : Francis Tremblay est mon soudeur, il travaille sur le ber qui est en fait un lit de remorque qu’on adapte. Son père Alain m’aide aussi. L’entrepreneur Marc Trudel va descendre le bateau qui sera posé sur le ber. Il va avoir un camion en bas et un autre en haut pour le retenir. C’est stressant un peu , mais ça devrait bien aller! »

Le grande traversée du constructeur de bateau aura été houleuse, mais l’objectif n’est plus qu’à quelques encablures. Littéralement.

« J’ai eu l’aide précieuse lors de ces années de construction de deux amis et compagnons de voile, Normand Lebrun, ingénieur pour les compléments de plan, et de Roméo Charrois, chirurgien au CHUL. Fallait pas se décourager… J’étais finalement content que le feu soit arrivé complètement au début. Après 10 ans, je n’aurais pas recommencé! Le projet a pris plus de temps que prévu, mais j’ai 74 ans et encore de belles années de navigation devant moi », estime Daniel Cloutier.

Il mettra, enfin, son bateau à l’eau en 2025.

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