Essipit et Parcs Canada unis par un programme de Gardiens

Par Emelie Bernier 6:00 AM - 29 juillet 2024 Initiative de journalisme local
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Le travail conjoint des Gardiens d’Essipit et de Parcs Canada est la clef du succès du programme. Photo Thomas Cadilhac, Parcs Canada

Les gardiens autochtones sont les yeux et les oreilles des communautés. Leur mandat? Veiller sur le territoire. Le programme de Gardiens de la communauté d’Essipit s’inspire de modèles qui existent ailleurs. Et la collaboration avec Parcs Canada s’avère fructueuse pour les deux parties.

Des programmes de gardiens autochtones existent partout à travers le monde, importe-t-il de mentionner.  

« Au Canada, la plupart des programmes de gardiens sont financés par Environnement et Changement climatique Canada. Dans le cas d’Essipit, en plus d’un financement du réseau national des gardiens, ils bénéficient d’un financement issu du programme des gardiens de Parcs Canada », explique Daniel Capistran, agent aux relations autochtones pour Parcs Canada, et lui-même membre de la nation Wolastoqey (Malécite).

Peu importe d’où vient l’argent, l’objectif est le même : se donner des moyens et outils pour une réappropriation sincère du territoire en permettant aux Gardiens de recevoir et transmettre des connaissances sur leur Nitassinan.

Jean-François Boulianne, employé du Conseil de la Première Nation d’Essipit et lui-même gardien, est le porte-parole du programme de gardien dans sa communauté. Il n’y voit, lui aussi, que du positif et une manière d’honorer les savoirs traditionnels. « Avec Parcs Canada, on est uni dans le souci des ressources et des habitats. Le partenariat est bonifié par l’écoute que la science a envers ce qu’on observe lors de nos pratiques. On a l’opportunité de prendre en compte les récits de nos aînés, notre vécu en territoire, et fusionner ça avec les savoirs scientifiques. Le travail de gardien, on le fait tous les jours, même en n’étant pas officiellement gardien », estime-t-il.

« On se rend compte actuellement que les Premières Nations, depuis des temps immémoriaux, ont les mêmes objectifs qu’Environnement et Changement climatique Canada, que Pêches et Océans, que Parcs Canada, soit protéger les ressources écologiques, le patrimoine, les paysages, pour les générations futures. Ils ont beaucoup de connaissances! On ajoute des méthodologies pour que ça s’arrime avec le travail de notre équipe de conservation “, résume Daniel Capistran.

Les experts du vécu en territoire

Le partage de certaines façons de faire, notamment en matière d’inventaire par exemple, rend utilisables à des fins de recherche les données recueillies par les Innus sur le territoire.

« Ce programme-là nous donne des outils, des moyens supplémentaires. Ça crée des opportunités d’emplois chez nous. On est capable de se positionner également un peu mieux sur des projets, on apprend à suivre des protocoles et, ultimement, on est capable de voler de nos propres ailes en ayant des données justes et utilisables pour Parcs Canada et d’autres projets. On devient des acteurs clés dans le monde de l’environnement par cette initiative-là », indique M. Boulianne.

La Première Nation des Innus d’Essipit participe au suivi conjoint des oiseaux côtiers avec Parcs Canada.

Les sommes consenties par Parcs Canada permettent entre autres l’achat de matériel pour la réalisation de protocoles d’inventaires sur le territoire. « Ça peut aller des bottes à des embarcations, en passant par des drones pour certains usages spécifiques et de l’équipement scientifique », indique M. Boulianne.

La Première Nation n’en est toutefois pas à ses balbutiements en matière d’acquisition de connaissance sur l’environnement. « On a une équipe de biologistes, une bonne presse en matière de protection de l’environnement, mais tout le monde bénéficie du programme de gardiens au niveau du territoire », ajoute-t-il.

Terre et mer

Les activités du parc marin Saguenay-Saint-Laurent sont, comme le nom l’indique, concentrées sur le milieu marin, mais le programme de Gardiens déborde de ce cadre. « Dans les limites du parc, on a un plan de surveillance, des indicateurs, mais avec ce programme, on va plus loin que nos frontières dans l’acquisition de connaissances », indique Daniel Capistran.

Lui-même est « vendu » au programme de Gardiens. « Pour moi, c’était inévitable d’aller dans ce sens-là de collaboration avec les engagements du gouvernement suite à la déclaration des Nations Unies sur les droits sur les peuples autochtones et la commission Vérité et réconciliation. On renforce à la fois ce qu’on faisait déjà en établissant de nouvelles bases de communication, d’entraide, de partage », se réjouit-il.

« L’arrivée du programme de gardien vient appuyer des objectifs de la communauté à moyen et long terme », renchérit Jean-François Boulianne.

Photo Thomas Cadilhac, Parcs Canada.

La transmission aux générations futures est également au cœur de l’initiative. « Dans notre culture, c’est fondamental, la pérennité des espèces, bien les connaître, agir en fonction des problématiques qu’on rencontre pour que les générations futures puissent avoir la même richesse que ceux qui les ont précédés », estime Jean-François Boulianne.

Une bonne nouvelle à propager

Ultimement, on souhaite partager les résultats du programme de Gardiens qui lie Essipit et Parcs Canada.

« À Parcs Canada, on administre des sites touristiques et on a cette volonté là que les gens en connaissent davantage sur notre relation avec la communauté d’Essipit, les projets qu’on fait ensemble, les résultats, et faire rayonner ça à l’ensemble des Canadiens, Canadiennes, qui viennent nous visiter dans nos différents pôles d’activités ou via nos différents outils de communication. Pour nous, c’est un succès sur toute la ligne, cette initiative, et on veut répandre la bonne nouvelle! Le plus important, c’est la relation saine qui se développe entre les communautés avec qui on travaille et Parcs Canada “, conclut Daniel Capistran.

Des projets concrets en cours

Des projets concrets sont déjà en cours sur le territoire, notamment un suivi conjoint des oiseaux côtiers et l’acquisition de connaissances sur une zostère en milieu côtier.

Le garrot d’Islande est en quelque sorte un symbole du partenariat grandissant entre Parcs Canada et la Première Nation d’Essipit.

« L’équipe de conservation du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent fait le suivi du garrot en milieu marin l’hiver, mais on a réalisé que les Innus, eux, les observent l’été puisqu’ils migrent dans les terres. On s’est demandé : est-ce qu’on pourrait combiner nos observations pour en connaître davantage? », explique Daniel Capistran. Le projet s’est petit à petit étendu à l’ensemble des oiseaux côtiers.

« Essipit bonifie le plan de surveillance associé au suivi des oiseaux côtiers. Le garrot a été le prétexte! », ajoute-t-il.

Jean-François Boulianne, Gardien, précise que les observations et suivis ont lieu dans des secteurs qui ne sont pas que dans les limites du parc.  

On s’est également intéressé à un site particulièrement prisé des pêcheurs de homards et d’une importance vitale pour plus de 300 espèces et organismes de toutes sortes. « Pour différentes raisons, la communauté voulait avoir davantage de connaissances sur cette zone-là, qui est un milieu très riche. En jasant avec l’équipe de Jean-François, on s’est dit : on connait des spécialistes qui suivent et analysent ce type d’écosystème, on devrait les inviter à venir nous donner une formation conjointe! », illustre Daniel Capistran.

La formation a bel et bien eu lieu. Des membres de la communauté, des Gardiens et des représentants de Parcs Canada y ont participé. « C’est un exemple de transfert de connaissances, intéressant pour les deux côtés! », conclut Jean-François Boulianne.

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