Lettre ouverte | Le droit de choisir

Par Melanie Setiyo - Baie-Comeau 7:00 AM - 13 août 2024
Temps de lecture :

Photo Pixabay

En 1998, j’ai eu 18 ans et je suis tombée enceinte de mon premier enfant. La même semaine, ma maman m’a annoncé quelque chose qui allait bouleverser mon univers. Avec un sanglot dans la voix, elle m’a dit qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer, la forme précoce. Elle n’avait que 49 ans.

J’ai commencé à perdre ma maman un peu plus chaque jour. La maladie a progressé rapidement. Mon père a pris soin d’elle pendant 4 ans à la maison. Malgré tout son amour et ses bons soins, la maladie a fait des ravages irréversibles. L’errance la nuit, les soins d’hygiène très compliqués, les risques à la maison. Mon père était à bout de ressources, puis est venue la vie en CHSLD.

Comme tout s’est dégradé très rapidement, ma mère n’a pu préparer son départ et énoncer précisément ses volontés. Je suis certaine qu’elle n’aurait pas accepté de «vivre» comme cela… Elle était une femme fière et coquette. Elle n’aurait jamais accepté d’être complètement dépendante d’autrui pour des choses aussi intimes que faire ses besoins, s’habiller, manger et se laver. J’ai la certitude qu’elle n’aurait pas voulu que l’on voie son état se dégrader à un point tel qu’elle ne nous reconnaisse même plus.

Ils prédisaient la fin du monde en 2012… Ce fut véritablement la fin de mon monde à moi : le 29 janvier 2012, après plus de 12 ans de maladie, ma maman nous a quittés tout doucement, sa main dans la mienne. Malgré mon immense peine, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir du soulagement; enfin elle était libérée de cette maladie qui la gardait prisonnière de son corps.

Cela m’a poussée à penser à ce que je voudrais dans son cas. J’ai vécu ma vie à ma façon, indépendante et débrouillarde. Je ne peux pas concevoir l’idée de perdre mon autonomie et dépendre d’autrui. Je ne peux pas concevoir perdre l’usage des mots, ceux que j’ai tant aimé jongler et faire rimer… Je ne peux pas concevoir l’idée de ne plus reconnaître mes propres enfants, que j’ai portés, bercés, cajolés…

Je suis depuis longtemps l’évolution du dossier de l’aide médicale à mourir. Dès l’école primaire, j’étais déjà pour. Après avoir vu ma maman s’effriter pendant ces longues années, je le suis encore plus. Pour rien au monde, je ne voudrais faire vivre à mes enfants ce que j’ai vécu.

Heureusement, pour le moment, je n’ai pas l’Alzheimer. Mais si cela venait à changer, j’ai averti mes proches, mes médecins, que je demanderais l’aide médicale à mourir. Je voudrais partir avant de devenir un fardeau.

Il est clair pour moi que je souhaiterais passer mes derniers moments entourée des miens, en ayant la certitude de leur laisser de beaux souvenirs. Faire jouer des chansons qu’on aime, chanter et rire des mauvais coups que les enfants m’ont fait… Il me semble qu’entre ça et devenir l’ombre de moi-même, le choix n’est pas trop difficile à faire ! Mais je ne voudrais pas précipiter ce départ et demander l’aide médicale à mourir trop tôt, tant que je réponds au critère de l’aptitude.

C’est pourquoi il faut que les lois fédérales changent pour permettre les demandes anticipées d’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladies graves et incurables, comme l’Alzheimer.

Chaque être humain devrait avoir le choix de partir au moment qu’il aura déterminé. Avant que ne soit franchie la limite de l’acceptable…

Je me suis débrouillée seule souvent, mais cette fois, j’ai besoin d’aide !

Soutenons l’association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, pour rendre les demandes anticipées applicables : signons la pétition e-4942 sur le site de la chambre des communes.

Melanie Setiyo de Baie-Comeau. Photo courtoisie