Aide médicale à mourir : Québec ira de l’avant avec les demandes anticipées même si Ottawa ne bouge pas

Par Thomas Laberge, La Presse Canadienne 9:28 AM - 14 août 2024
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La ministre des Aînés du Québec, Sonia Bélanger, répond à l’opposition lors de la période des questions, le jeudi 9 mai 2024, à l’Assemblée nationale du Québec. LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Le gouvernement de François Legault autorisera les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM) dès cet automne, et ce, même si Ottawa ne modifie pas son Code criminel comme le demande Québec. 

«On va être prêt, on va aller de l’avant. Nous ce qu’on souhaite, c’est qu’il (le fédéral) change son Code criminel, mais s’il ne le change pas, on travaille en parallèle nos options», a dit Léa Fortin, l’attachée de presse de la ministre des Aînés, Sonia Bélanger, à La Presse Canadienne.  

La nouvelle mouture de la loi québécoise sur l’AMM a été adoptée le 7 juin 2023 et elle permettra les demandes anticipées pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, par exemple l’Alzheimer. Cette disposition n’est toutefois pas encore en vigueur. 

En effet, en février dernier, des ministres québécois ont interpellé Ottawa pour qu’il modifie le Code criminel afin d’éviter que les professionnels de la santé qui administrent l’AMM dans le cadre d’une demande anticipée ne commettent une infraction criminelle.

«Aucune ouverture n’a été offerte»

Jusqu’à maintenant, la demande de Québec est restée lettre morte au fédéral, indique le bureau de Sonia Bélanger. «Après les multiples approches qui ont été faites, il (le fédéral) reste encore sur le “non”», affirme Léa Fortin.  

Dans une missive des ministres Sonia Bélanger et Jean-François Roberge datée du 21 juin 2024 et envoyée au ministre fédéral de la Santé, Mark Holland – dont La Presse Canadienne a obtenu copie –, les élus québécois écrivent : «Plusieurs échanges à ce sujet ont eu lieu ce printemps entre nos gouvernements, notamment avec votre collègue de la Justice, afin que votre gouvernement fasse preuve de flexibilité et d’ouverture et reconnaisse aux Québécoises et aux Québécois la possibilité de formuler des demandes anticipées d’aide médicale à mourir conformément aux dispositions de la Loi concernant les soins de fin de vie. Plusieurs voies de passage ont été proposées, malheureusement, aucune ouverture n’a été offerte à cet égard.» 

«C’est un consensus au Québec. C’est une démarche transpartisane, les usagers, les parlementaires, les professionnels; tout le monde est d’accord pour aller de l’avant avec l’AMM», affirme Léa Fortin. 

Des annonces sur le sujet sont prévues cet automne. 

Questionné à savoir où achoppent les discussions avec Québec, le bureau du ministre fédéral de la Santé Mark Holland a évité de répondre aux questions de La Presse Canadienne, préférant envoyer une réaction laconique. «Nous continuons toujours à collaborer avec le Québec à ce sujet. Le ministre Holland s’engage régulièrement avec ses homologues», a indiqué par courriel la directrice des communications du ministre, Alexandra Maheux.

Québec peut aller de l’avant 

Le constitutionnaliste et professeur de droit à l’Université Laval Patrick Taillon pense que Québec peut aller de l’avant sans Ottawa. 

«Qui dépose les accusations ? C’est l’État québécois. Et si l’État québécois dit, par le biais d’une directive, (…) quand ça respecte nos lois, on ne dépose jamais d’accusation, eh bien il n’y en aura pas de problème», explique-t-il. 

Le constitutionnaliste affirme qu’«Ottawa ne pourrait pas poursuivre les médecins» québécois qui administreraient l’AMM dans le cadre d’une demande anticipée. 

En avril dernier, Québec solidaire avait demandé au gouvernement Legault de ne pas attendre Ottawa. Dans une lettre, les députées solidaires Ruba Ghazal et Christine Labrie affirmaient que Québec pouvait aller de l’avant comme il l’a fait avec la première mouture de la loi sur l’AMM adoptée en 2015.