Les transports ambulanciers plus longs et plus nombreux

Par Johannie Gaudreault 7:00 AM - 14 août 2024
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La charge de travail des paramédics a augmenté avec les fermetures des urgences en Haute-Côte-Nord et les réductions de services à l’hôpital de Baie-Comeau. Photo iStock

Quand les urgences de la Haute-Côte-Nord ont fermé leurs portes dans les dernières semaines, faute d’infirmières ou de médecins, les ambulances ont été appelées en renfort. Leurs services ont été « ajustés », comme l’a répété le CISSS de la Côte-Nord. Mais comment les paramédics ont-ils pu prêter main-forte alors qu’ils sont eux-mêmes à bout de souffle ?

Pour le président de la Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ), secteur Haute-Côte-Nord et Baie-Comeau, Francis Pinard, la situation à laquelle ont été confrontés les paramédics cet été est du jamais vu. « Ça fait 6-7 ans que je suis à Forestville et je n’ai jamais vu ça », commente-t-il en entrevue avec Le Haute-Côte-Nord.

« Voir le CLSC fermé une fin de semaine ou deux, ça arrive, c’est monnaie courante. On comprend qu’il y a une pénurie de personnel et que c’est difficile. C’est peut-être acceptable comme situation, ce n’est pas pas parfait, mais acceptable. Mais de voir autant de fermetures cet été depuis le mois de juin, c’est vraiment spécial », laisse-t-il tomber. 

Les nombreux bris qui touchent les ambulances ainsi que le manque de techniciens ambulanciers paramédics ont empêché l’entreprise ambulancière Paraxion de contribuer à la crise santé, selon le syndicaliste.

« Elle s’est tournée vers Ambulances Demers, qui est basé à Beloeil, pour qu’ils viennent nous faire des chiffres de plus à Forestville », explique M. Pinard qui n’a pas côtoyé les deux ressources qui ont été envoyées en renfort pour la dernière semaine de juillet, au moment où il y avait le plus de réductions de services en Haute-Côte-Nord. À sa connaissance, c’est la première fois qu’une demande d’aide en ce sens est réalisée. 

On a évité le pire

Malgré le risque important pour la population, le pire a été évité depuis juin. « On est chanceux, il n’est pas arrivé de drame. Oui, le risque était là. Des découvertures de territoire, il y en a eu à la tonne », témoigne Francis Pinard, soulagé.

« Si j’étais parti en transfert pour aller porter un patient à Baie-Comeau ou Chicoutimi, si l’autre ambulance doit faire un transfert, ça fait en sorte que le territoire est découvert parfois pendant 5 à 6 heures », explique-t-il en précisant que deux ambulances couvrent le territoire de Forestville et deux autres sont affectées à celui des Escoumins. À Baie-Comeau, elles sont trois à être en fonction. 

Pour les paramédics, la Haute-Côte-Nord est séparée en deux. « Quand les deux urgences étaient fermées, tout ce qui est à l’ouest des chalets Shipek aux Escoumins s’en va vers Chicoutimi, tous les appels vers l’est s’en vont vers Baie-Comeau. Ça fait des transports qui sont très longs », poursuit le président du syndicat.

« Si on va chercher quelqu’un à Longue-Rive et qu’on le transporte à Baie-Comeau ou si on part de Forestville pour aller porter quelqu’un à Chicoutimi, c’est pas loin de trois heures. Il faut qu’on revienne, donc ce sont des transports qui peuvent prendre 7 à 8 heures parce qu’il faut manger », se désole-t-il puisque ces transports alourdissent la charge de travail de ses confrères paramédics qui deviennent de plus en plus « fatigués ».

Les bris de services du mois de juin ont aussi eu leur lot de complications pour les services préhospitaliers d’urgence. Francis Pinard a transporté un patient jusqu’à Alma « parce que Baie-Comeau n’était pas capable de le prendre, Les Escoumins non plus ». « Ça arrive des fois qu’on amène des patients à Québec comme ç’a été le cas en fin de semaine », renchérit-il.

Des chances de survie amoindries

Un citoyen des Escoumins atteint d’une crise cardiaque alors que les deux urgences de la Haute-Côte-Nord sont fermées n’aurait pas pu y survivre, selon le technicien ambulancier paramédic. Quant à une personne qui subit un accident vasculaire cérébral,

ses chances d’éviter les séquelles étaient presque nulles. 

M. Pinard imagine aussi le pire en pensant à un accident de la route ou encore de véhicule tout-terrain alors que les services hospitaliers ne sont pas ouverts. 

Le double d’appels

En plus de voir leur charge de travail augmenter en raison de la crise santé, les paramédics ont dû composer avec des appels plus nombreux. La fermeture des urgences n’y est pas étrangère, aux yeux de M. Pinard, tout comme l’abondance de touristes dans la région, mais il a du mal à s’expliquer cette étonnante hausse. 

« Depuis le mois de juillet, il y a énormément plus d’appels aux Escoumins et à Forestville. Oui, ça peut s’expliquer avec la fermeture des urgences, peut-être que les gens y vont moins par eux-mêmes et nous appellent un peu plus. Il y a plus de touristes aussi, mais on a presque doublé le nombre d’appels par jour. Normalement, on répond à un ou deux appels par jour. On est à trois et quatre par jour, couramment. »

Le syndicaliste ne le cache pas : le personnel est essoufflé. « Ça reste que nous autres aussi on a une pénurie de personnel. Comme la semaine prochaine, il y a plus de 50 % des travailleurs qui vont venir d’ailleurs, qui ne connaissent pas la région. Ça aussi ça rajoute une charge de travail. En plus d’avoir à gérer plus d’appels, des transferts plus longs, on a plus de quarts de travail avec des prestataires (qui proviennent d’agences de placement de paramédics) », relate-t-il.

Pour se consoler un peu, Francis Pinard admet ressentir de la compréhension chez les gestionnaires de Paraxion. « Ils comprennent la situation, ils essayent de nous épauler là-dedans et de nous accommoder. Ils sont relativement ouverts aux solutions qu’on propose », conclut-il en espérant que les bris de services dans les urgences ne seront plus aussi nombreux.