Le CN et le CPKC déclenchent un lock-out qui aura de lourds impacts sur le transport

Par Christopher Reynolds, La Presse Canadienne 8:05 AM - 22 août 2024
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Des locomotives sont à l’arrêt dans la gare de triage du Canadien Pacifique Kansas City à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, le 19 août 2024. Les deux principales compagnies ferroviaires du pays et le syndicat des Teamsters n’ont pas réussi à s’entendre à temps pour éviter un arrêt de travail. LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck

Pour la première fois au Canada, le trafic de marchandises sur les chemins de fer des deux plus grandes compagnies ferroviaires du pays est paralysé, alors que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) ont mis en lock-out 9300 de leurs employés jeudi à minuit.

Cet arrêt de travail, que redoutaient les milieux d’affaires et les politiciens, menace de bouleverser les chaînes d’approvisionnement qui tentent toujours de se remettre des perturbations liées à la pandémie et à la grève portuaire de l’année dernière.

Malgré des mois de négociations, le CN, le CPKC et le syndicat des Teamsters n’ont pas réussi à s’entendre sur les termes d’un nouveau contrat de travail avant la date butoir qui avait été fixée à minuit dans la nuit de mercredi à jeudi. Les deux entreprises ont donc mis en lock-out 9300 ingénieurs, conducteurs et ouvriers de triage.

Sur les réseaux sociaux, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada a publié des photos de ses membres qui ont commencé à mettre en place des piquets de grève d’un bout à l’autre du pays, d’Halifax à Vancouver.

L’impasse dans les négociations affectera aussi le quotidien des dizaines de milliers de personnes qui utilisent les réseaux de trains de banlieue de Montréal, Toronto et Vancouver, puisque le service devra être interrompu sur les lignes qui circulent sur les voies du CPKC.

En effet, les trains de passagers ne peuvent pas circuler sur ces rails sans la supervision des contrôleurs de la circulation ferroviaire qui ont été mis en lock-out.

Les milieux d’affaires inquiets

Dans les derniers jours, des groupes du milieu des affaires et de nombreux politiciens ont exhorté les deux parties à trouver une entente afin d’éviter un arrêt de travail, craignant les nombreuses répercussions d’une paralysie du réseau ferroviaire. Les appels à une résolution rapide du conflit risquent de s’intensifier maintenant que l’arrêt de travail s’est amorcé.

Selon l’Association des chemins de fer du Canada, les deux entreprises transportent chaque jour des marchandises d’une valeur combinée d’un milliard de dollars. De nombreuses expéditions avaient été arrêtées de manière préventive en début de semaine pour éviter que des marchandises restent bloquées en cas de conflit.

Les parties ont négocié jusqu’en fin de soirée, mercredi, dans des hôtels de Montréal et Calgary. Les pourparlers ont été interrompus peu avant minuit.

Chaque partie a accusé l’autre de ne pas négocier sérieusement.

«Les compagnies de chemins de fer ne se soucient pas des agriculteurs, des petites entreprises, des chaînes d’approvisionnement ou de leurs propres employés. Leur seul objectif est d’augmenter leur bénéfice net, même si cela signifie mettre en péril l’ensemble de l’économie», a soutenu le président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, Paul Boucher, dans un communiqué publié tôt jeudi matin.

Les Teamsters représentent 6000 travailleurs du CN et 3300 travailleurs du CPKC.

De son côté, le CN a assuré avoir négocié de bonne foi au cours des neuf derniers mois.

«La Compagnie a proposé des offres sérieuses prévoyant un meilleur salaire, de meilleures périodes de repos et des horaires plus prévisibles. Les Teamsters n’ont manifesté aucune urgence ni aucune volonté de parvenir à un accord favorable aux employés, à l’entreprise et à l’économie», a plaidé le CN dans une déclaration écrite.

Le CPKC a quant à lui appelé à un arbitrage exécutoire, affirmant que le syndicat avait formulé des «demandes irréalistes».

Des associations représentant des entreprises ont également demandé au gouvernement d’intervenir en imposant un arbitrage exécutoire et en interdisant les grèves et les lock-out pendant que le processus se déroule.

Le premier ministre Justin Trudeau a plutôt appelé les deux parties à trouver une entente à la table des négociations, mercredi.

Nombreuses répercussions

L’agriculture, la construction, l’exploitation minière, l’énergie, le commerce de détail et la construction automobile sont tous des secteurs qui seront affectés par ce conflit de travail.

Aux États-Unis, des compagnies ferroviaires ont également dû détourner des expéditions à destination du Canada. Des entreprises américaines dépendent aussi des deux principales compagnies ferroviaires du Canada pour leurs expéditions, puisque les voies du CN et du CPKC s’étendent jusqu’au golfe du Mexique et, dans le cas du CPKC, jusqu’à plusieurs ports mexicains.

Pendant ce temps, les ports canadiens craignent que les conteneurs s’accumulent sur les quais, puisque les marchandises ne pourront pas être transportées par train après avoir été déchargées des navires. Les ports soutiennent que cela pourrait causer des embouteillages et forcer certains transporteurs à se réorienter vers des terminaux américains.

Par ailleurs, plus de 32 000 usagers des trains de passagers de Montréal, Toronto et Vancouver devront trouver un nouvel itinéraire pour se rendre au bureau.

Dans la région de Montréal, exo a confirmé qu’aucun service ne pourra être offert sur les lignes de trains de banlieue qui circulent sur les voies du CPKC, soit celles de Vaudreuil/Hudson, de Saint-Jérôme et de Candiac. Les trains circulant sur le réseau du CN, soit les lignes de Mont-Saint-Hilaire et de Mascouche, conserveront un service normal.

Des autobus seront déployés pour desservir les gares où les trains ne passeront pas, mais exo prévient que «le nombre d’autobus disponibles dans la région métropolitaine (est) insuffisant pour remplacer toute la capacité des trains annulés».

Ainsi, les bus de remplacement serviront surtout à offrir du service sur la Rive-Nord et la Rive-Sud. À Montréal et Laval, les usagers d’exo sont priés de se tourner vers les réseaux de la Société de transport de Montréal et de la Société de transport de Laval.

«Compte tenu de la capacité financière et opérationnelle limitée d’exo, les mesures d’atténuation qui seront proposées desserviront principalement les voyages de train en heure de pointe. La fréquence des navettes sera planifiée, mais elles ne seront pas assignées à un horaire précis. La congestion routière ou les conditions climatiques pourraient affecter la durée des déplacements», a averti exo dans un communiqué.

Ailleurs au pays, le West Coast Express de TransLink, dans la région de Vancouver, ainsi que la ligne Milton de Metrolinx et la gare GO Hamilton de la ligne Lakeshore, dans le Grand Toronto, ne pourront pas être desservis pendant l’arrêt de travail.